À la poursuite de la formule d'Euler


Jean-Jacques Dupas

Dans un polyèdre, le nombre S de sommets, plus le nombre F de faces, est égal au nombre A d'arêtes, plus 2. En d'autres termes, S + F = A + 2. Pour beaucoup de mathématiciens, la formule d'Euler est la plus belle de toutes ! Elle a surtout une histoire pour le moins mouvementée...

Sa simplicité la rend très maniable, y compris par les plus jeunes. Son caractère inattendu surprend toujours : comment imaginer qu'il pût exister une relation globale aussi élémentaire entre les constituants d'un polyèdre ? Enfin, elle transforme des problèmes de géométrie en problèmes d'arithmétique, jetant un pont merveilleux entre deux mondes. Assurément, la formule d'Euler est belle !

 

En fait, elle est tellement simple que Euler lui-même s'est étonné qu'elle ne fût pas déjà connue. Johannes Kepler (1571–1630), grand amateur de polyèdres, intéressé par la numérologie, a-t-il pu ne pas la remarquer ? Peut-être, parce que deux de ses nouveaux polyèdres, les oursins de Kepler, ne vérifient pas la formule magique… Cependant, l'intuition d'Euler était la bonne : en France, Descartes l'avait, sinon découverte, au moins pressentie.

 

Descartes, le précurseur

 

Dans son texte Progymnasmata de Solidorum Elementis, Descartes énonce son théorème : la somme des déficits des sommets vaut huit angles droits. Par déficit d'un sommet, il faut comprendre le complément à 360° de la somme des angles des faces qui concourent en un sommet. Ainsi, pour un tétraèdre régulier, trois triangles équilatéraux se joignent en un sommet. Or, 3 × 60° = 180°, on a donc un déficit de 360° – 180° = 180° en chacun des quatre ... Lire la suite


références

La vie de Monsieur Descartes. Adrien Baillet, 1691.
Descartes on Polyhedra, a study of the Solidorum Elementis. Pasquale Federico, Springer, 1982.
Polyhedra. Peter Cromwell, Cambridge University Press, 1999.
Regular Polytopes. Harold Coxeter, Dover, 1973.