Quelques paradoxes célèbres…


Philippe Boulanger

Redécouvrons le célèbre pari de Pascal, raisonnement contestable aussi bien mathématiquement que théologiquement !

Le pari de Pascal

Au XVIIe siècle, Blaise Pascal a inventé le calcul des probabilités en résolvant un problème posé par le Chevalier de Méré. Emporté par son élan, il applique les probabilités à notre conduite de vie : si nous parions sur l'existence de Dieu, nous devons sacrifier notre vie en suivant les rigides commandements divins pour gagner au paradis la vie éternelle. Si nous parions sur l'inexistence de Dieu, nous « gagnons » notre vie en vivant dans le stupre et l'égoïsme, mais nous risquons de subir les tourments de l'enfer jusqu'à la fin des temps.

 

 

Lisons les Pensées : « Pesons le gain et la perte (…) si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est [Dieu], sans hésiter. »

Ce qui est troublant est le « vous ne perdez rien ». Pascal pense que la valeur de la vie est proche de zéro, et l'espérance mathématique liée à une vie pieuse gagnant le paradis est le produit d'une quantité tendant vers zéro par une quantité tendant vers l'infini. Le résultat est indéterminé !
Mathématiquement, le raisonnement ne vaut pas, et théologiquement, il est contestable. Pascal nous avait habitués à mieux. Le Dieu des chrétiens pourrait cependant être chagriné par ce raisonnement utilitariste. Ainsi le jansénisme, dont Pascal était un fervent zélote, condamnait l'attrition du pénitent, qui confessait ses fautes par peur de l'enfer, au contraire de la contrition, où le pénitent regrette ses erreurs par amour de Dieu.

 

Ce que pensait Pascal…

Bien que l'auteur des Pensées n'ait pas présenté son « pari de Pascal » comme un argument en faveur de l'existence de Dieu, la confusion peut être faite. En réalité, le pari n'offre aucune raison de croire que Dieu existe effectivement. Il offre une raison de croire qu'il est avantageux de croire en Dieu, qu'il existe ou non. Relisons Pascal plus attentivement :

« Examinons donc ce point, et disons : “Dieu est, ou il n'est pas.” Mais de quel côté pencherons-nous ? La raison n'y peut rien déterminer : il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un jeu, à l'extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile. Que gagerez-vous ? Par raison, vous ne pouvez faire ni l'un ni l'autre; par raison, vous ne pouvez défaire nul des deux. Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix ; car vous n'en savez rien.

– Non ; mais je les blâmerai d'avoir fait, non ce choix, mais un choix ; car, encore que celui qui prend croix et l'autre soient en pareille faute, ils sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier.

Oui, mais il faut parier ; cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué. Lequel prendrez-vous donc ? Voyons. Puisqu'il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins. […] Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter. »

 

Le paradoxe de Saint-Pétersboug

Le nom de la ville des Romanov reste attaché à celui d'un paradoxe mathématique. Pierre Ier le Grand, souhaitant donner du luxe à sa nouvelle capitale, y attira des scientifiques. Nicolas et Daniel Bernoulli s'y retrouvèrent en 1725. C'est alors qu'ils élaborèrent le jeu suivant : un joueur lance une pièce de monnaie équilibrée (non truquée) jusqu'à obtenir face. Appelons n le nombre de fois où le joueur obtient pile avant d'obtenir face. Il gagne alors 2n euros.

Comme l'espérance mathématique de cette expérience est infinie, le joueur devrait, en toute logique, être prêt à miser n'importe quelle somme pour y participer. Pourtant, personne n'investirait plus de quelques euros dans une partie !


références

Mathématiques et philosophie. Bibliothèque Tangente 38, 2010.
• Dossier « Les paris ». Tangente 136, 2010.