Le peuple des rationnels


Benoît Rittaud

Petite histoire imaginaire et non chronologique pour tenter de répondre à une question moins simple qu’il n’y paraît : les fractions sont-elles des nombres ?

Au commencement étaient les entiers naturels : 0, 1, 2, 3, et toute la suite. Appelé ℕ, le pays qui les regroupait semblait un modèle de stabilité, car lorsque deux entiers naturels étaient ajoutés ou multipliés le résultat était toujours lui-même un entier naturel.

 

 

Le pays des entiers

 

Oh, bien sûr, la nécessité de calculer une expression telle que 4 – 9 avait conduit à élargir les frontières. Cela avait donné naissance à ℤ, le pays des entiers relatifs. En plus des entiers naturels, ce nouveau pays contenait leurs opposés : – 1, – 2, – 3… Ceux-ci s’étaient révélés très compatibles avec les premiers, si bien qu’après quelques soucis d’intégration principalement causés par la règle des signes les nouveaux venus furent définitivement acceptés. Ils trouvèrent leur place dans les bulletins météos donnant la température en hiver, dans les ascenseurs menant aux parkings souterrains, ainsi que dans certains relevés de comptes bancaires (où, dans ce dernier cas, ils ne furent pas toujours les bienvenus).

Désormais, tout comme pour une addition ou une multiplication, jamais une soustraction ne menait hors des frontières. Le régime du pays put changer en même temps que sa population : jusque-là monoïde additif et demi-groupe multiplicatif, il devint un anneau commutatif.

Après cette stabilisation obtenue pour la soustraction, ... Lire la suite gratuitement