Gaston Darboux, l'artiste géomètre

Elisabeth Busser

dossier : Et aussi...

Tangente 179 : 30 ans de Tangente

Gaston Darboux, que l'on célèbre cette année, est décédé il y a un siècle. Il est resté toute sa vie « un jeune homme du plus rare savoir et de la plus haute espérance » à qui l'on doit une œuvre considérable. Ses résultats géométriques sur les surfaces orthogonales sont spectaculaires.

Si le parcours scolaire et universitaire de Gaston Darbouxa été très classique, sa vie de chercheur et de professeur ainsi que ses options humanistes ne sont, elles, pas ordinaires, et à plus d'un titre…

Il naît le 13 août 1842 à Nîmes (Gard), dans une famille de merciers. Il obtient le 22 juillet 1859 son baccalauréat ès sciences, puis est admis premier, en 1861, à l'École polytechnique et à l'École normale supérieure (ENS) ; il choisit d'entrer dans cette dernière. Trois ans plus tard, il est reçu premier à l'agrégation de mathématiques. En 1870, il fonde leBulletin des sciences mathématiques, journal consacré à toutes les branches des mathématiques pures et qui existe toujours aujourd'hui.

Darboux commence sa carrière en 1864 comme professeur au lycée Louis-le-Grand ; il y restera jusqu'en 1872. Il devient ensuite chargé de conférence (pour le cours de calcul différentiel et intégral) à l'ENS, où il restera jusqu'en 1881. Au même moment, il est nommé professeur de géométrie supérieure à la Sorbonne, en remplacement de Michel Chasles (voir Tangente 160). À partir de 1881, on le retrouve chargé de conférence ... Lire la suite

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Une vie de publications

Une vie de publications

La productivité scientifique de Gaston Darboux impressionne tant par ses contenus originaux que par ses qualités pédagogiques. Voici quelques-uns de ses ouvrages les plus marquants, classés selon leurs dates de parution :

1866 : dans sa thèse Sur les surfaces orthogonales, parue dans les Annales de l'École normale, Darboux traite tout particulièrement des systèmes de triples surfaces orthogonales, qu'il appelle surfaces de Lamé, qui seront pour lui une préoccupation constante.

1872 : Sur les théorèmes d'Ivory relatifs aux surfaces du second degré.

1873 : dans Sur une classe remarquable de courbes et de surfaces algébriques et la théorie des imaginaires, Darboux montre, exemples à l'appui, l'importance des imaginaires, non seulement en géométrie algébrique, mais aussi en géométrie infinitésimale.

1875 : son mémoire Sur les fonctions discontinues contient de nombreux exemples de fonctions continues n'ayant pas de dérivée. Paru la même année, son Mémoire sur l'approximation des fonctions de très grands nombres reste l'une de ses productions les plus originales.

1877 : son Mémoire sur les solutions singulières des équations aux dérivées partielles est couronné par l'Académie.

1882 : Sur le problème de Pfaff (intégration d'une équation aux dérivées partielles à un nombre quelconque de variables indépendantes).

1883 : parution en quatre volumes de ses Leçons sur la théorie géométrique des surfaces et les applications géométriques du calcul infinitésimal.

1910 : dans sa Leçon sur les systèmes orthogonaux et les coordonnées curvilignes, Darboux prolonge les travaux de Gabriel Lamé (1795–1870) et les étend aux dimensions supérieures.

1917 : dans Principes de géométrie analytique, écrit pour « un bon élève de mathématiques spéciales », Darboux calcule avec des coordonnées, sans faire de calcul différentiel.

Le « label » Darboux

Le « label » Darboux

Des mathématiciens laissent leur nom dans l'histoire en l'attachant à des théorèmes, des propriétés ou des objets mathématiques. Darboux est l'un de ceux-là.

Les sommes de Darboux, introduites comme critère d'intégrabilité d'une fonction au sens de Riemann, constituent la part la plus connue de cet héritage. Si f est une fonction à valeurs réelles, continue sur [a, b], et s est une subdivision de cet intervalle où x₀ = a < x₁ < … < x_n = b, si m_i et M_i sont respectivement la borne inférieure et la borne supérieure de f sur [x_i_–1, x_i]. Les réels

$d(f,s) = \displaystyle\sum_{i=1}^{n} (x_i-x_{i-1})m_i$

$\text{D}(f,s) = \displaystyle\sum_{i=1}^{n} (x_i-x_{i-1})\text{M}_i$

sont les sommes de Darboux inférieure et supérieure de f pour la subdivision s.

Deux théorèmes de Darboux se partagent également la vedette. L'un est à la limite de la géométrie différentielle et des systèmes dynamiques. L'autre, plus proche de nous, met à jour une propriété de la dérivée des fonctions continues : si f, une fonction définie sur un intervalle [a, b], est la dérivée d'une fonction F, alors, quand x varie entre a et b, f prend toute valeur comprise entre f (a) et f (b). Ainsi, même si la dérivée d'une fonction n'est pas continue, elle vérifie le théorème des valeurs intermédiaires.

Il existe aussi des surfaces de Darboux : ce sont des surfaces réunions de courbes (les génératrices) qui se déduisent les unes des autres par isométrie. On arrive aux surfaces de révolution si cette isométrie est par exemple une rotation, aux surfaces réglées si les génératrices sont des droites.

Le trièdre de Darboux, parfois appelé de Darboux-Ribaucour, peut s'avérer très utile pour l'étude de courbes tracées sur une surface de notre espace euclidien de dimension 3. Pour une courbe paramétrée G tracée sur une surface de classe C^k (c'est-à-dire définie par une application k fois continûment différentiable), il est constitué d'un vecteur normal au plan tangent, d'un vecteur unitaire tangent à G orienté dans le sens des abscisses croissantes, et de leur produit vectoriel.