C’est le cas en théorie des nœuds. En topologie, un nœud correspond à l’idée intuitive qu’on peut s’en faire, à ceci près que les mathématiciens rattachent ensemble les deux extrémités de la ficelle. L’espace en trois dimensions offre la possibilité de nouer la ficelle sans qu’il soit possible de la dénouer.
On peut aussi jouer dans l’espace à quatre dimensions ; la dimension supplémentaire offre alors la possibilité de nouer des sphères, et non plus simplement des ficelles. L’intuition géométrique et la représentation visuelle sont mises à rude épreuve…
Lorsque vous coupez une sphère dans l’espace habituel à trois dimensions (comme un ballon), le bord de la section vous donne une boucle non nouée (un cercle en l’occurrence). On appelle une telle boucle un nœud trivial. Si vous tranchez une sphère nouée dans l’espace à quatre dimensions, vous pouvez obtenir un nœud non trivial ! Se pose alors la question de savoir quels sont les nœuds (qualifiés de bordants ou de tranche) qui peuvent ainsi s’obtenir en coupant une sphère nouée dans l’espace à quatre dimensions.
Le nœud de trèfle n’est pas bordant.
Une réponse a été apportée pour tous les nœuds à moins de treize croisements. Tous ? Non ! Un seul nœud résistait encore et toujours aux mathématiciens, un nœud à onze croisements proposé par John Conway en 1970.
Le nœud de Conway sur une porte du département de mathématiques de l’université de Cambridge (Grande-Bretagne).
En 2018, Lisa Piccirillo, une étudiante américaine originaire du Maine, entend parler de la question. Forte d’un esprit neuf, elle ramène le problème à l’étude d’un autre nœud et résout le problème par la négative… en une semaine ! Elle propose au passage une nouvelle vision qui s’annonce féconde. Le nœud de Conway n’est donc pas bordant. Ce résultat a valu à Lisa Piccirillo d’être l’une des toutes premières lauréates du Maryam Mirzakhani New Frontiers Prize et lui a permis d’obtenir un poste au MIT, quelques mois seulement après la soutenance de sa thèse.