D'Al-Khwarizmi à Descartes - Etudes sur l'histoire des mathématiques classiques
Roshdi Rashed
Hermann
2011
795 pages
46 €
Briser les frontières chronologiques héritées de l’histoire politique (mathématiques anciennes, médiévales, classiques, modernes), et réfléchir à la place de l’histoire des sciences, entre épistémologie et science sociale : l’auteur, l’un des plus éminents spécialistes de l’histoire des mathématiques, applique cet ambitieux programme à ses propres recherches.
Ainsi, le présent ouvrage devient une clé pour pénétrer dans l’oeuvre monumentale de Roshdi Rashed (et de son école), et un point d’entrée privilégié pour quiconque souhaite s’intéresser sérieusement à l’histoire des sciences. On y trouvera notamment des études consacrées à l’arithmétique (étude des formes quadratiques), à la géométrie infinitésimale (on est surpris par l’introduction d’une notion de «borne supérieure» de la mesure d’un ensemble convexe par Thabit ibn Qurra au IXe siècle), au tracé des coniques (point par point ou de manière continue par des instruments mécaniques), à l’optique…
En algèbre, on trouve les contributions d’al Karaji à l’arithmétisation de cette discipline, celles d’al Khayyam à sa géométrisation, ou encore les apports d’al Tusi à la théorie des équations algébriques. En géométrie, un historique des premières classifications des courbes est proposé, notamment les courbes géométriques et les courbes mécaniques, d’al Khayyam à Descartes. Les applications de ces mathématiques sont également passées en revue, de l’optique à l’astronomie en passant par la cinématique et la météorologie.
Selon Roshdi Rashed, l’histoire des sciences est actuellement seulement un domaine d’activité. Pour qu’elle devienne une discipline, elle doit s’accompagner d’une réflexion phénoménologique des structures conceptuelles ; en outre la recherche sociale sur les sciences doit également s’ériger comme discipline scientifique. Cette dimension épistémologique manquait par exemple au récent ouvrage la Mathématique (éditions du CNRS), qui se veut plus encyclopédique, et constitue l’aspect réellement fondateur de D’al Khwarizmi à Descartes.
L’excellente facture de l’ouvrage, la richesse et la clarté du contenu, le style agréable de l’auteur (et un prix raisonnable !) rendent d’ores et déjà cet ouvrage incontournable pour l’amateur d’histoire des sciences.