La symétrie ou les maths au clair de lune
MARCUS DU SAUTOY
Heloïse d'Ormesson
2012
512 pages
26 €
L’ouvrage tout entier, qui se lit comme un roman, mais par petites touches, est une ode à la symétrie, dont l’auteur, qui professe à l’Université d’Oxford et au Collège de France, a découvert à 12 ans que c’était « quelque chose d’actif », par exemple « un geste qui ramenait un triangle à l’intérieur de son contour », « comme [par] un tour de magie ». C’est cette magie que tente de nous faire découvrir Marcus du Sautoy tout au long de ces dix chapitres, d’octobre à juillet, à raison d’un tour de prestidigitation par mois, dont il essaie de nous faire partager l’émerveillement.
Qui dit magie dit aussi secret et, passé l’état de sidération dans lequel nous laisse la découverte de symétries inattendues, l’auteur entreprend aussi de nous révéler le « langage secret qui pourrait servir à déchiffrer la science de la symétrie ». Ce langage est celui des mathématiques, et à travers toutes les formes de symétrie vont poindre la théorie des groupes (groupes de frise ou de pavage, classification des groupes), le langage des nombres (en particulier nombres premiers, en lien avec la décomposition des groupes en objets ayant un nombre premier de côtés), le calcul des probabilités (à propos de la forme symétrique de certains dés), les suites numériques (comme celle de Fibonacci, qui « dit à un coquillage ce qu’il faut faire au fil de sa croissance »), les équations (pour définir les groupes de symétrie ou présentant une « symétrie palindromique » ou dont les solutions présentent une symétrie)…
Mais l’ouvrage va bien au-delà des pures mathématiques : il nous entraîne dans les symétries du monde de l’art avec les plafonds pavés de l’Alhambra, l’univers musical, avec les Variations Goldberg de Bach, la symétrie du Miserere d’Allegri repérée par Mozart, l’opéra Tour d’écrou de Benjamin Britten, ou encore le monde de la biologie avec la forme hélicoïdale du virus de la mosaïque du tabac, l’environnement informatique avec les codes correcteurs d’erreur, qui utilisent la symétrie, ou même le monde de la psychologie avec notre attrait subconscient pour… la symétrie.
En bâtissant avec adresse des passerelles entre ces divers mondes, l’auteur, captivant narrateur de mathématiques, donne le goût d’aller plus loin dans le décodage des inventions mathématiques, un peu comme John Conway – qu’il admire – à la poursuite du « clair de lune monstrueux » qui éclairera le « Monstre 196 883 », ce flocon de neige géant symétrique dans un espace à 196 883 dimensions et dont il est beaucoup question au cours de ce livre.