À la recherche de la preuve en mathématiques
H LEHNING
Belin
2009
128 pages
18 €
La preuve en mathématique : vaste sujet. D’abord parce qu’il touche à la notion de vérité. Avec leur superbe, les mathématiciens se targuaient de construire un édifice unique orchestré par la logique et que rien ne venait perturber, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’il reposait sur des fondations instables, les axiomes. Et qu’il y avait autant d’édifices que de façons de les choisir. Pire, Gödel nous apprend que malgré ces précautions, certains résultats sont indémontrables, d’autres indécidables.
La preuve en mathématique touche aussi à la notion d’esthétique. Le profane ne comprendra jamais les critères qui font que l’on dit d’une démonstration « qu’elle est belle ».
C’est tout cela que nous explique Hervé Lehning, dans ce livre qui, plus qu’une énumération de méthodes, se veut une compétition pour se surpasser dans la quête de la beauté d’une démonstration. Les règles de la logique n’occupent qu’un petit chapitre. Au-delà, l’auteur donne des façons de bâtir sa preuve de la manière la plus concise possible, en insistant sur l’étonnement que peut procurer l’emploi de telle ou telle méthode. Concision, étonnement, on n’est pas loin de toucher au frisson de l’esthétique. Si l’exhaustion des cas ne mène pas vers le grand frisson, pas plus que la politique des petits pas appelée « méthode de Descartes », le raisonnement par analyse et synthèse peut déjà déboucher vers un premier étonnement, celui que procure la démonstration par l’absurde. L’usage de représentations imagées comme des découpages ou des coloriages recèle quant à lui davantage d’émotion, mais attention aux pièges ! Comme toute analogie (« transport des propriétés », titre l’auteur), il mérite que l’on se penche sur la justification des « preuves sans mots ». C’est certainement dans l’utilisation des invariants ou du principe des tiroirs que la satisfaction esthétique est à son summum. L’allusion à l’infini est le premier avertissement qui tempère notre enthousiasme. Attention à ne pas confondre induction et récurrence (c’est d’autant plus difficile que récurrence se traduit en anglais par… induction !). Attention aux paradoxes apparents qui ne sont que des erreurs de raisonnement. Il faut vérifier que la rigueur est au rendez-vous. C’est le prix à payer, le prix de la beauté.