Pierre Rosenstiehl est un spécialiste de la théorie des graphes, coopté par l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) en 1992 justement pour ses études et sa passion des labyrinthes. Il nous offre un ouvrage qui oscille de façon plaisante entre le récit de l’histoire fabuleuse des labyrinthes, le roman d’amours séculaires dans lequel la découverte du fil d’Ariane constitue la trame, et l’essai sur les diverses relations entre le mythe et les mathématiques.
Avec des jalons précis, et en bon oulipien, il se sort aisément du labyrinthe dans lequel il s’est enfermé, alternant la forme et le fond du récit – sept souvenirs et évocations de labyrinthes personnelles, sept « festins combinatoires » présentés sous forme de dialogues antiques traitant de notions et des codes de la théorie des graphes et accompagnées d’illustrations bien reconnaissables, sept voyages, enfin, dans le passé et le futur, réflexions variées sur les liens entre les sciences et la façon d’extraire du chaos de notre esprit une pensée claire.
Un glossaire ludique les mots des labyrinthes et des graphes, d’abaciste à voyageur de commerce, de rhizome à parenthèse, d’inextricable à heuristique. Enfin, une bibliographie imposante incite à consulter les sources très variées de l’auteur (des oulipiens, des sémiologues comme Roland Barthes ou Noam Chomsky, des philosophes comme Gilles Deleuze, des écrivains comme Jorge Luis Borgès ou Umberto Eco, mais aussi des vulgarisateurs tels Maurice Kraitchik et André Saint-Laguë).
Tous les chemins peuvent être suivis au gré du lecteur, mais ne manquez pas les évocations personnelles. Par exemple, à 11 ans, en 1944, Pierre Rosenstiehl a changé nuitamment les pancartes de directions en Bourgogne, faisant ainsi zigzaguer les colonnes de la Wehrmacht en repli vers l’Est…