L’idée de base de l’auteure est de raconter la vie d’une célèbre formule, son élaboration, ses transformations, l’évolution de son contenu mathématique. Ce faisant, elle brosse une histoire des mathématiques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, un portrait de la communauté mathématique, avec ses querelles et ses divergences. George Gabriel Stokes et sa formule sont omniprésents, tout comme les Cartan, Gauss, Cauchy, Hermite, Poincaré, mais aussi Édouard Goursat ou Jacques Hadamard, qu’elle cherche à tirer d’un oubli injuste. Peu de femmes cependant hormis Anna Cartan, Mary Robinson et Sophie Kovalesvskaya, à qui l’auteure a déjà consacré un ouvrage. L’agitation de la communauté mathématique au moment de l’affaire Dreyfus est bien décrite, avec des affrontements entre les antidreyfusards Charles Hermite, Émile Picard, le général Mercier et Camille Jordan et les dreyfusards Jules Andrade, Paul Painlevé et Jacques Hadamard. Henri Poincaré, Paul Appel et Gaston Darboux viendront appuyer ces derniers en démontant la « preuve mathématique » forgée par le « péremptoire et ignare » Bertillon. Les formules qui émaillent le livre ne sont à la portée que d’un lecteur averti, mais elles s’effacent devant le récit. Le lecteur pourra également être déconcerté par l’approche calendaire des évènements : à l’instar de sa consoeur oulipienne Michelle Grangaud dans Calendrier des fêtes nationales (POL, 2003), Michèle Audin déroule des faits qui ont eu lieu du 1er janvier au 31 décembre, sans tenir compte de l’année ! Elle nous oriente parfois par des renvois vers d’autres pages. Un jeu de piste en quelque sorte.