À l'endroit de l'inversion
Cédric Aubouy
Cédric Aubouy
2017
199 pages
15 €
Mathématicien et logicien de formation, l’auteur est un joueur-né, aussi a-t-il embrassé rapidement une carrière de clown au sein de la troupe L’Île Logique, puis de scénariste, musicien, auteur, compositeur. Il nous fait part de son expérience de médiateur scientifique : grâce au théâtre et à la mise en scène, il arrive à divertir en évoquant les mystères du système solaire ou la conjecture de Poincaré. C’est tout un art : celui d’utiliser les ficelles et dialogues du clown au service de la science.
La première partie aborde avec un regard acerbe l’histoire des mathématiques, la dualité concret–abstrait, la logique et la méthode axiomatique, la cohérence et l’incomplétude. Poser les bonnes questions, aimer à résoudre des problèmes : voilà les moteurs du travail du scientifique. On entre dans le vif du sujet avec la deuxième partie : le travail du clown et ses outils scéniques interrogent le public avec des jeux sur les mots, des non-sens, des doubles sens, des auto-références, une gestuelle se passant de commentaires. On convoque Woody Allen, Raymond Devos, Coluche ou Ionesco pour témoigner d’un art perturbant le champ de la conscience et amenant à un décalage, voire une inversion de la pensée. Pour l’auteur, l’absurde éveille le sens critique.
Avec nombre d’exemples concrets, Cédric Aubouy montre comment le clown peut faire comprendre la résolution de problèmes en jouant sur l’émotion, le doute, la naïveté, l’imaginaire, le merveilleux, l’autodérision, la relativité ou même le néant. Mais c’est la sortie du cadre, l’inversion, qui constitue le plus grand besoin du clown. Un long développement s’ensuit sur la pédagogie du clown qui, par le burlesque et le grossissement du trait, éveille notre intérêt.
Enfin, l’auteur émet une charte pour une pensée critique et propose une abondante bibliographie. On retiendra que le clown doit posséder les mêmes qualités que le scientifique : rigueur, esprit critique, ouvert au doute, droit de se tromper et de recommencer, persévérance et passion. Seul reproche : très dense, le livre aurait gagné à une mise en page plus aérée, avec plus d’illustrations qui auraient remplacé du texte… mais l’auto-édition possède ses limites.