William Poundstone aborde la théorie des jeux à travers la vie du mathématicien américano- hongrois John von Neumann. Le dilemme du prisonnier, qui donne son titre à l’ouvrage, est une situation dans laquelle l’intérêt collectif de deux joueurs est en conflit avec leurs intérêts individuels respectifs. Son origine est attribuée aux deux mathématiciens américains Merrill Meeks Flood (1908–1991) et Melvin Dresher (1911–1992). La présentation classique de ce dilemme avec l’histoire des deux prisonniers est due au mathématicien canadien Albert William Tucker (1905–1995).
Deux gangsters A et B appartenant à la même bande sont arrêtés dans le cadre d’une affaire, mais la police manque de preuves sur le niveau d’implication de chacun d’eux. On propose donc le marché suivant aux deux gangsters, qui sont interrogés
séparément et ne peuvent communiquer :
• si l’un dénonce l’autre et que l’autre ne parle pas, le premier bénéficiera d’une peine avec sursis et le second sera condamné à trois ans de prison ferme ;
• s’ils se dénoncent mutuellement, ils écoperont tous les deux de deux ans de prison ferme ;
• si aucun des deux ne dénonce l’autre, compte tenu du doute sur le niveau d’implication de chacun, ils n’écoperont tous les deux que d’un an de prison ferme.
Quelle attitude A et B vont-ils adopter ? S’il ne parle pas, chaque prisonnier risque de subir au minimum un an ferme et au maximum trois ans ferme. S’il parle, chacun peut espérer sortir libre, mais risque deux ans ferme. S’il veut minimiser les risques, chacun a donc intérêt à parler et les deux prisonniers écoperont tous les deux de deux ans de prison ferme. Pourtant, il existerait une meilleure stratégie : en ne parlant pas tous les deux, ils n’effectueraient chacun qu’un an de prison ferme. Mais aucun des deux ne peut connaître à l’avance ce que sera la décision de l’autre… Dans ce tableau, un an de prison ferme se traduit par la valeur – 1 (perte de liberté).
Après un chapitre qui évoque la biographie et tous les aspects de la personnalité complexe de von Neumann, l’auteur aborde tous les thèmes de la théorie des jeux : les jeux à somme nulle, le minimax, les stratégies mixtes. Il consacre également un chapitre entier à la naissance de l’arme atomique et au rôle joué par von Neumann à Los Alamos (voir Tangente 126). La Guerre froide est analysée en se plaçant du point de vue de la théorie des jeux. Sont également évoqués le rôle de la RAND Corporation, institution qui joue le rôle de laboratoire d’idées entre les scientifiques et les militaires américains, et celui de pacifistes comme Bertrand Russell. Les derniers chapitres sont consacrés à la crise des missiles de Cuba et aux applications de la théorie des jeux aux sciences sociales.