Le directeur de l’Institut intergalactique, M. Lambda, a exigé de ses professeurs qu’ils organisent des visites à caractère informatif pour leurs élèves. Le professeur de mathémagie, M. Phi, a accueilli cette obligation avec son habituel agacement ronchonnant, mais faisant contre mauvaise fortune bon cœur, a décidé de conduire ses ouailles au musée du Nombre d’or, obéissant à la fois à son supérieur et à ses convictions. Lorsque Alpha, Bêta, Epsilon et les autres élèves arrivent au musée, ils découvrent une entrée grandiloquente, toute en colonnes, frontons et frises antiques.
« Il s’agit d’une reproduction du Parthénon d’Athènes, explique Epsilon en consultant le guide qu’elle a téléchargé sur son communicateur. La façade s’inscrit dans un rectangle d’or, dont la largeur a et la longueur b vérifient la relation a / b = b / (a + b). »
Mais le professeur Phi l’interrompt : « Cette entrée est parfaite précisément car la reproduction est imparfaite : ici, nul besoin de tronquer le toit ou d’inclure des marches du fronton pour faire apparaître le rectangle d’or, comme dans l’original qui fut bâti sur la Vieille Terre. Nous avons mathématiquement amélioré le travail de nos ancêtres. »
Comme le découvrent nos amis, tel est d’ailleurs le principe du musée : on y retrouve des reproductions de peintures et de sculptures de l’Ancienne Terre légèrement modifiées pour adopter explicitement dans leur nouvelle composition les lois dictées par le nombre d’or.
Aux côtés d’une déesse Athéna de Phidias rabotée, d’une Joconde ravalée, d’un Doryphore de Polyclète remanié, d’une Naissance de Vénus botticellienne déformée et de pyramides, de cathédrales et de pentagrammes divers et variés, Bêta aperçoit une œuvre qui se démarque des autres par sa simplicité. Elle consiste en un cadre contenant trois objets : une feuille de papier où est dessiné un rectangle, une règle sans graduation et un compas.
« Je ne vois pas ce qu’il y a de remarquable là-dedans, s’interroge le jeune homme. Une explication dans ton guide, Epsi ?
– Il s’agit d’une œuvre anonyme mais qui n’en est pas moins intéressante : elle représente la construction d’un rectangle d’or dont on ne connaît que la largeur a, en n’utilisant pas d’autre instrument qu’une règle muette, un compas et un crayon.
– Et c’est censé être beau ? » s’esclaffe Bêta.
C’est d’une voix grave et emplie d’émotion que le professeur Phi répond : « Pour un mathématicien, ça l’est. »
Il s’éloigne en reniflant.
À la règle et au compas
« Nous n’avons décidément pas les mêmes valeurs, soupire le garçon. Je ne vois même pas comment tracer un angle droit avec juste une règle et un compas… »
Et vous, cher lecteur, avez-vous une idée pour cette construction ?
« C’est un classique, pourtant, rétorque Epsilon. Et une fois que ce point est résolu, on peut s’attaquer à la construction du rectangle d’or dont on connaît la largeur a. Avec toute l’élégance qui caractérise la résolution d’un problème de géométrie avec des outils mathématiquement parfaits comme une règle non graduée et un compas… »
À vos outils, cher lecteur : voyons si vous vous montrerez digne du professeur φ !