Suites de puissances pour zérophobes

Michel Criton




Pour tous ceux que les « zéros pointés » reçus à l’école ont traumatisés, regardons les puissances d’entiers dont l’écriture ne comporte pas de chiffre 0.

Jusqu’à l’exposant 9, les puissances de 2 peuvent s’écrire, en base 10, sans le chiffre 0 : 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256, 512. Ensuite, cela se gâte, mais on connaît tout de même vingt-six autres exposants k pour lesquels l’écriture, en base 10, de 2k ne comporte pas de 0, le plus grand étant 286, soit 77 371 252 455 336 267 181 195 264. Bien que l’on ait testé les puissances de 2 jusqu’à de très grands exposants, on ignore si les puissances de 2 s’écrivant sans 0 sont ou non en nombre fini. Il en est d’ailleurs de même pour les puissances de n’importe quel nombre premier. La probabilité d’occurrence d’une puissance sans 0 décroît lorsque l’exposant augmente, mais on n’a pas de preuve de la finitude du nombre de ces puissances.

Une autre conjecture a été émise sur ce thème : quel que soit l’entier naturel N, on pense qu’il est possible de trouver une puissance de 2 dont les N derniers chiffres de son écriture en base 10 sont tous non nuls.

 

 

Avec les puissances de 5 et de 10

 

On peut faire la même étude avec les puissances de n’importe quel nombre entier naturel non nul et non multiple de 10. Qu’en est-il pour les puissances de 5 ? Regardons : 50 = 1, 52 = 25, 53 = 125… On ne connaît que douze autres puissances de 5 s’écrivant en base 10 sans le chiffre 0, la plus grande étant 558, soit 346 94 469 519 536 141 888 238 489 627 838 134 765 625.

Ces investigations numériques permettent de poser le problème suivant. On peut décomposer certaines puissances de 10 et les écrire sous la forme de produits d’une puissance de 2 par une puissance de 5 : 10 = 2 × 5, 100 = 4 × 25, 1 000 = 8 × 125… On ignore si le nombre de puissances de 10 pouvant se décomposer en un produit de deux facteurs exempts de 0 est fini ou non !

1. Trouvez le plus grand nombre possible de puissances de 10 admettant une décomposition en un produit de deux puissances sans 0.

 

 

Chiffres pairs, chiffres impairs

 

Les nombres 2, 4, 8, 64, 2 048 sont les seules puissances de 2 connues qui s’écrivent exclusivement, en base 10, avec des chiffres pairs. On n’en connait aucune autre, bien que l’on ait testé les puissances de 2 jusqu’à 2100 000. En revanche, il est possible de trouver des puissances de 2 dont l’écriture décimale se termine par autant de chiffres pairs que l’on souhaite. Les chiffres des unités des puissances de 2 reviennent de façon périodique, la période étant de quatre termes (2, 4, 8, 6). Si l’on considère les deux derniers chiffres, on a une période de vingt termes (04, 08, 16, 32, 64, 28, 56, 12, 24, 48, 96, 92, 84, 68, 36, 72, 44, 88, 76, 52). Pour n > 2, ces deux derniers chiffres sont pairs lorsque l’exposant n de 2nest congru à 3, 6, 7, 10, 11, 14, 15, 18 ou 19 modulo 20 (mais lorsque n est congru à 2, 7, 14, 15 ou 18, un report de retenue introduit un chiffre impair au rang des centaines).

On a une période de cent termes pour les trois derniers chiffres (004, 008, 016, 032, 064, 128, 256, 512, 024, 048, 96, 192, 384, 768, 536, 072, 144, 288, 576, 152, 304, 608, 216, 432, 864, 728, 456, 912, 824, 648, 296, 592, 184, 368, 736, 472, 944, 888, 776, 552, 104, 208, 416, 832, 664, 328, 656, 312, 624, 248, 496, 992, 984, 968, 936, 872, 744, 488, 976, 952). Pour n > 2, ces trois derniers chiffres sont pairs lorsque l’exposant n de 2nest congru à 3, 6, 10, 11 ou 19 modulo 20.

 

2. Si les deux derniers chiffres d’une puissance d’un nombre entier sont tous deux des chiffres impairs, combien existe-t-il de terminaisons possibles ?

 

 

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Des cubes sans zéro

 

Le mathématicien américain Dean Robert Hickerson s’est intéressé aux puissances d’entiers exemptes de 0 dans leur écriture décimale. Il a notamment proposé cette suite de cubes (dépendant d’un entier n) :

un = [(2 × 105n – 104n + 17 × 103n–l + 102n + l0n – 2)]3 / 27.

Pour n > 2 et congru à 2 modulo 3, la suite obtenue est bien constituée de cubes, lesquels ne comportent aucun zéro !

Ainsi, (6 666 633 333 900 003 333 366 666)3 est égal à

296 291 851 949 629 281 489 792 513 816 596 763 211 148 776 994 823 592 461 481 829 631 851 896 296.

Un autre mathématicien, le Canadien Lewis Denver Baxter, a introduit une suite plus simple (avec n ≥ 0) :

vn = (2 × 105n – 104n + 2 × 103n + 102n + 10n + 1) / 3.

Élevés au cube, ces nombres ne comportent aucun zéro ! Ainsi, (v0)3 = 23 = 8. Les nombres suivants atteignent très vite une taille gigantesque.

 

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SOLUTION