Les mots des ensembles


Bertrand Hauchecorne & Alain Zalmanski

Les mots et les symboles ont également une importance cruciale pour la théorie des ensembles...

 

 Un peu d'étymologie

« Ensemble » est à l'origine un adverbe issu, vers 1050, du latin insimul, signifiant « à la fois », « en même temps ». Il s'emploiera également pour « simultanément » et dans des expressions devenues archaïques, comme tout ensemble (pour « à la fois »).

 

Le nom masculin « ensemble » est une substantivation de l'adverbe ; il est d'abord attesté dans un tout-ensemble (1664), désignant dans le domaine des arts l'unité d'une œuvre tenant à la bonne proportion des éléments. Ce sens s'exprime ensuite par un ensemble. De là une locution aujourd'hui archaïque être d'ensemble, « être harmonieux ». Par extension (1694), le nom désigne la totalité des éléments d'un tout, d'où d'ensemble (« général »), dans l'ensemble (locution adverbiale utilisée pour modérer une qualité), dans son ensemble (« dans sa totalité »). Depuis le xviiie siècle, ensemble se dit de l'unité tenant au synchronisme des mouvements, à la collaboration des divers éléments, d'abord en parlant d'un corps de troupe (1755). Ensemble désigne ensuite des personnes ou des choses réunies dans un tout que l'on considère en lui-même : un « ensemble de faits », un « ensemble vocal », l'« ensemble du personnel ».

 

Au XXe siècle, ensemble prendra des sens particuliers, parmi lesquels « groupe d'habitations » (1907), voire un « ensemble scolaire » (1968), des pièces de mobilier d'un même style (1920) ou des pièces de vêtements assorties destinées à être portées… ensemble (1924).

 

Les premiers symboles de la théorie des ensembles

 

Sans ôter à Georg Cantor la paternité de la théorie des ensembles dans le courant des années 1870, il ne faut pas nier l'apport fondamental de Giuseppe Peano. Ce mathématicien italien, né en 1858, fit preuve très jeune d'une grande originalité et d'une vision synthétique des théories en cours d'élaboration. On lui doit des contre-exemples surprenants, comme une courbe remplissant un carré. Bien que piètre pédagogue, il s'évertua à simplifier le langage mathématique pour le rendre plus accessible.

 

Soucieux de vulgariser et de rendre plus clair le maniement de la théorie des ensembles, Giuseppe Peano introduisit de nombreux symboles, comme celui d'inclusion (et son inverse ). Pour noter l'appartenance, il choisit l'initiale de la forme verbale grecque estinn, qui signifie « il est », soit la lettre . C'est Bertrand Russell qui proposera de styliser la lettre en  pour la différencier de son utilisation en analyse.

 

Peano a introduit également le quantificateur existentiel en prenant un « E » en miroir pour l'initiale de esiste, soit « il existe » en italien. Le symbole  est dû au logicien allemand Gerhard Gentzen en 1935 : il s'est inspiré de l'idée de Peano en inversant l'initiale de l'allemand All Zeichen, qui signifie « tout signe » ou « tout caractère ».

 

En maths : un vocabulaire récent 

En mathématiques, ensemble apparaît en 1890, c'est la traduction de l'allemand Menge (1883), au sens de collection d'éléments (dont le critère d'appartenance à la collection est sans ambiguïté) susceptible de posséder certaines propriétés. Cet emploi donne lieu à un certain nombre de syntagmes : « théorie des ensembles », « ensemble fini », « ensemble dénombrable »… Au milieu du XXe siècle apparaissent le mot sous-ensemble et l'adjectif ensembliste, essentiellement pour qualifier certaines mathématiques.


références

Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert.
Grand Larousse illustré, volume 1. Larousse, 2005.