La compétence mathématique au coeur de la demande


Nicolas Nguyen et Fabrice Mahé

On ne le sait pas toujours, les formations mathématiques sont aujourd'hui de plus en plus demandées dans l'économie. Elles le sont aussi bien par les grands groupes que par les PME ou les start-up, et touchent un éventail de métiers de plus en plus important.

Les mathématiques se distinguent par leur caractère universel. Galilée, déjà, ne disait-il pas que « le livre de la Nature est écrit en langage mathématique » ? Dès leur invention, elles ont été utilisées pour le commerce, pour la construction des pyramides et de la station spatiale internationale, pour les véhicules sur terre, sur mer et dans l’air. Au XXe siècle, en parallèle avec l’essor de l’informatique, on a assisté à une explosion de la recherche opérationnelle dans le but d’améliorer les systèmes, ainsi que du traitement statistique des données.

 

Créatrices de valeur

L’Année des mathématiques 2019–2020 est certainement le bon moment pour découvrir les utilisations parfois insoupçonnées* des mathématiques dans les télécommunications, l’intelligence artificielle (IA), la météorologie, l’étude de la formation des planètes et des étoiles, l’optimisation du fonctionnement d’une usine ou d’un traitement médical, la gestion des épidémies, l’imagerie, l’alerte aux tsunamis, les villes connectées…

On connaissait l’importance des mathématiques pour les domaines liés au numérique (voir FOCUS) ou à la finance. Les derniers hors-séries de Tangente ont mis en avant leur usage en médecine, en économie ou dans le cadre de la transition climatique et énergétique. Elles apportent de même un véritable avantage concurrentiel dans l’ensemble de l’économie actuelle : sciences industrielles, physique, biologie, chimie… Elles ont permis l’émergence de nouveaux marchés et de nouveaux métiers ; l’IA et les sciences de la donnée en sont des exemples récents. Elles sont présentes dans l’innovation, à tous les niveaux de la chaîne de valeur de l’entreprise, et ce, quel que soit le secteur d’activité. En matière de conception de produit, les mathématiques permettent de réduire les coûts et d’accélérer la recherche. Côté production, en modélisant pièces et assemblage, elles s’occupent d’optimiser les procédés. En contrôle qualité, les statistiques et les technologies d’analyse d’image servent au contrôle de la production à distance et donc améliorent son efficacité. La gestion exploite les maths pour maîtriser des coûts d’énergie ou améliorer le contrôle financier. Les services de commercialisation et vente les apprécient pour modéliser efficacement la relation client, l’analyse du comportement client, le pricing management. Les départements de stratégie et de prospective améliorent avec elles leur gestion de risque et leurs processus d’aide à la décision.

 

De la multinationale à la PME

Aujourd’hui, les entreprises évoluent au sein d’écosystèmes de plus en plus complexes, indépendamment de la taille de l’entreprise. Cela va probablement s’accentuer dans les années à venir. Les mathématiques fournissent des outils incomparables pour l’analyse et la gestion de cet environnement : traitement du signal et de l’image ; data mining ; IA ; modélisation, simulation, optimisation ; calcul haute performance ; statistiques et calcul stochastique ; sécurité de l’information, cryptographie… Les grands groupes, tout comme les start-up, font appel depuis longtemps aux mathématiques pour doper leur innovation. Or, les mathématiques apportent des solutions à tous les niveaux de la chaîne de valeur d’une entreprise : du développement de nouveaux produits jusqu’à leur commercialisation, en passant par les procédés de fabrication. Les entreprises de toutes tailles peuvent ainsi tirer bénéfice des compétences mathématiques : les PME, en particulier, évoluent au sein de marchés de plus en plus complexes ; les outils d’analyse, de simulation et de prédiction que leur apportent les mathématiques constituent des avantages concurrentiels indéniables.

 

Quelles filières de formation ?

Alors, comment accéder à ces métiers ? Après un baccalauréat à dominante scientifique, il est possible de s’inscrire à l’université en licence de mathématiques, pour poursuivre par un master spécialisé en calcul scientifique, en cryptographie ou en statistiques et traitement des données. À partir d’autres licences scientifiques (physique, mécanique…), on peut également intégrer un master pluridisciplinaire en calcul scientifique. Il en est de même à partir de licences en économie et sciences sociales pour des masters pluridisciplinaires en statistiques. Il existe également des écoles d’ingénieurs proposant une filière en mathématiques appliquées après une classe préparatoire (intégrée ou externe).

Plusieurs écoles d’ingénieurs proposent des aménagements pour suivre une partie ou la totalité d’un master de mathématiques appliquées, avec parfois un double diplôme. Certaines de ces formations sont proposées en alternance, d’autres peuvent être suivies à distance. Ces formations de cinq ans permettent de postuler pour travailler en tant que mathématicien dans une entreprise sur des postes de niveau ingénieur en recherche et développement (R&D), calculs, analyse de données, statistiques, cryptographie. Cette formation de cinq ans peut être poursuivie par un doctorat, qui dure en général trois ans ; il s’agit d’une formation par la recherche, sous forme de contrat à durée déterminée. Il peut se faire en relation avec une entreprise en utilisant le dispositif CIFRE (convention industrielle de formation par la recherche), ce qui facilite ensuite l’embauche dans une entreprise… mais pas forcément dans un établissement d’enseignement supérieur.

Lorsque l’on souhaite compléter sa formation initiale en acquérant des compétences mathématiques, on peut avoir recours aux formations continues proposées par les établissements d’enseignement supérieur. Beaucoup de masters sont ainsi directement accessibles. Exigeantes, ces formations peuvent nécessiter une disponibilité importante, pas toujours compatible avec une activité salariée en parallèle (à moins de convenir d’un étalement de la formation ou de bénéficier d’un congé spécifique). Une autre possibilité est de suivre des formations courtes sur quelques jours financées par l’employeur. Cela permettra d’acquérir les bases nécessaires à un domaine nouveau pour soi ou de se spécialiser sur une technique de pointe.

 

* Pour en prendre la mesure, on peut consulter les brochures suivantes :
L’explosion des mathématiques (2002) : smai.emath.fr/spip/documents/explosion_math.pdf
Mathématiques, l’explosion continue (2013) : smai.emath.fr/documents/math_explosion2013.pdf

 

Nicolas Nguyen est président de l’association Le Temps des Sciences (voir « Des journées pour l'innovation »). Fabrice Mahé est co-directeur de l’Agence Lebesgue, mathématiques pour l’innovation.