Les mathématiques visant un savoir débarrassé de toute référence à la réalité sensible, il semble qu’il n’y ait rien de plus opposé que les mathématiques et l’existence. Comment pourraient-elles alors exprimer la singularité de ce qui est ? Cette question a suscité bien des réflexions entre les XVIIe et XXe siècles.

 

Si l’on en croit le philosophe allemand Friedrich Nietzsche (1844‒1900), le nombre a été inventé par peur de l’incalculable : la raison humaine a eu, très tôt, besoin de répertorier les phénomènes naturels et de réguler l’incertain. Or l’existence semble par définition échapper à l’emprise de la raison. Au sens littéral, « exister » c’est « être posé au-delà de soi », « déjouer toute prévision ». Comment les mathématiques peuvent-elles rendre compte de cette réalité ? Existe-t-il une relation d’équivalence entre les objets mathématiques et les objets naturels ?

Ces questions sont au cœur du projet galiléen. Dans L’Essayeur, Galilée propose un modèle d’intelligibilité où symboles mathématiques et phénomènes naturels coïncident parfaitement, la cosmologie et l’expérience ne sont plus séparées comme elles l’étaient dans le monde grec. Il déclare : « La philosophie est écrite dans cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l’univers, mais on ne peut le comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la langue et à connaître les caractères avec lesquels il est écrit. Il est écrit dans la langue mathématique et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels il est humainement impossible d’en comprendre un mot. »

 

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références

• Mathématiques et philosophie. Bibliothèque Tangente 38, 2010.
• Dossier « Peut-on tout mesurer ? ». Tangente 195, 2020.