Anne Philippe est professeure à Nantes Université et chercheuse en statistique au sein du laboratoire Jean-Leray. Depuis 2021, elle préside la Société française de statistique (SFdS).

Une discipline à part entière

La statistique est une branche des mathématiques au sens où elle utilise des fondements mathématiques tels que la théorie des probabilités, l’algèbre, la géométrie, l’analyse afin de développer et de valider des méthodes d’analyse des données, d’inférence, de prévision.

Mais elle a aussi des spécificités que l’on ne retrouve pas dans d’autres branches des mathématiques comme la collecte, l’analyse et l’interprétation des données. Cet aspect est magnifié par la nécessité de pallier les problèmes d’interprétabilité des méthodes (complexes) utilisées en intelligence artificielle.

On peut donc aussi voir la statistique comme une discipline à part entière. Ainsi, aux États-Unis, les laboratoires en statistique sont souvent dissociés des laboratoires de mathématiques.

Aujourd’hui, elle est renforcée par l’essor de l’intelligence artificielle, qui se développe en s’appuyant sur des méthodes statistiques, combinées à de grosses architectures informatiques. C’est typiquement le cas de l’apprentissage par réseaux de neurones profonds, qui connaît un énorme succès pratique. Mais derrière ces réussites, les mathématiques, et plus précisément la statistique mathématique, ont un rôle clé à jouer au niveau de la compréhension et de la validation des algorithmes sur lesquels l’intelligence artificielle repose.

 

Le rôle de la SFDS

La Société française de statistique (SFdS) est une association reconnue d’utilité publique spécialisée dans la statistique. Elle a pour mission de promouvoir l’utilisation de la statistique et sa compréhension et de favoriser ses développements méthodologiques. C’est un lieu d’échange privilégié pour tous les chercheurs, ingénieurs, enseignants et utilisateurs de la statistique. Les activités de la SFdS vont de l’organisation de conférences spécialisées à des soirées-débats publiques ouvertes à tous en passant par la publication d’articles ou d’ouvrages, ou encore la formation…

Pour faire progresser leur discipline, les statisticiens évoluent aujourd’hui, plus que jamais, dans un environnement hautement multidisciplinaire. On pense tout d’abord aux aspects techniques, dont l’informatique (au sens large du terme) est l’emblème. Mais la statistique, par l’impact incroyable qu’elle a sur la société humaine via le déploiement à grande échelle de l’intelligence artificielle, nécessite aussi des connexions beaucoup plus fortes avec des disciplines hors du champ technique : sciences humaines et sociales, disciplines liées au juridique ou à l’éthique… La SFdS est présente dans tous ces débats. Il en va de l’acceptabilité sociétale des grands changements en cours et à venir.
 

 
 

Vers une IA moins gourmande en énergie

Comme toutes les branches des mathématiques, la statistique a de nombreux défis théoriques, méthodologiques et pratiques à relever. L’intelligence artificielle (IA) est très gourmande en énergie à cause du temps de calcul et du stockage massif des données. 

Un défi majeur, si on doit n’en citer qu’un, est d’être plus respectueux de notre planète : peut-on stocker mieux ou moins de données, entraîner mieux ou moins les algorithmes tout en répondant au mieux aux besoins de la société.