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Si les quatre opérations, addition, soustraction, multiplication, division, sont étudiées dès l’école élémentaire, il faut attendre la troisième année de l’enseignement secondaire pour en découvrir une cinquième, l’élévation d’un nombre à une puissance.

En Europe, la notation que nous utilisons aujourd’hui pour écrire l’élévation à la puissance n d’un nombre x, à savoir l’écriture xn, ne s’est dégagée et codifiée que peu à peu au fil des siècles.

 

Dès le XIVe siècle, le mathématicien Nicole Oresme utilise des puissances, y compris avec des exposants fractionnaires, et donne les règles de calcul sur cette opération. Un peu plus tard, au XVe siècle, le mathématicien Nicolas Chuquet dans son Triparty en la science des nombres (1484), utilise la notation par exposant, et définit les puissances d’exposant 0 (sauf « 00 ») et les puissances d’exposants négatifs. C’est ensuite le mathématicien allemand Michael Stifel, auteur d’une Arithmetica integra, qui introduit le terme « exposant » et généralise la notation correspondante aux exposants négatifs.

 

 

Nicolas Chuquet (vers 1445 ‒ vers 1488)

 

 

Michael Stifel (vers 1487–1567).

 

 

Le B. A.-BA des puissances

 

Un nombre réel a élevé à la puissance n (pour n entier non nul) est défini par :

an = a × a × a × … × a (le produit est composé de n facteurs égaux à a). On appelle a la base et n l’exposant.

On peut facilement dégager plusieurs règles de calcul sur les puissances. Ainsi, an × ap = (a ×… × a) × (a × … × a) = an+p (on a n facteurs suivis de p facteurs).

De même, (an) p = an×p et an × bn = (a × b)n.

 

Pour les quotients de puissances, il conviendra de se pencher plus avant sur les cas susceptibles de ne pas être définis correctement. Par convention, pour a ≠ 0, on a a0 = 1, l’expression « 00 » n’étant pas définie.

On a, pour a et b non nuls, et n et p deux entiers :  .  En posant n = 0, dans cette dernière égalité, on obtient  , ce qui montre 

que l’on peut choisir les exposants dans l’ensemble des entiers relatifs.

Qu’en est-il des exposants fractionnaires, comme pour x1/2 ou x4/3 ? En extrapolant à partir de la formule (a n) p = a n×p, on peut écrire :

x = x1 = x(1/2)×2 = (x1/2)2, ce qui donne    (dès lors que x est positif).

De même, x4/3 sera défini par    (pour tout réel x, cette fois-ci), ou, de manière équivalente, par  . Dans le cas général, on peut formaliser cette propriété par    pour n et p deux entiers non nuls, x un réel positif lorsque p est pair, et x un réel quelconque lorsque p est impair.

La définition des puissances peut être étendue aux cas des exposants n réels avec une base x positive non nulle à l’aide de la fonction exponentielle, en écrivant : xn = exp (n ln(x) ).

 

 

 

Un outil puissant

 

Les puissances jouent un rôle essentiel dans les bases de numération. La base 10, que nous utilisons tous les jours dans la vie courante, utilise les puissances de 10 ; unités, dizaines, centaines, etc. La base binaire, qui est la base privilégiée de nos ordinateurs, tablettes et autres smartphones, est basée sur les puissances de 2.

 

 

 

 

On ne peut évoquer les puissances de nombres entiers sans penser au grand théorème de Fermat, énoncé par Pierre de Fermat (vers 1601‒1665) dans une note écrite en marge d’un exemplaire des Arithmétiques de Diophante, mais dont une démonstration complète a dû attendre plus de trois siècles les travaux d’Andrew Wiles.

Il n’existe pas de nombres entiers strictement positifs x, y et z tels que xn + yn = zn, si n est un nombre entier strictement plus grand que 2.

 

Un autre énoncé dû à Fermat a pour objet des puissances d’entiers : le théorème des deux carrés. Ce résultat donne les conditions pour qu’un nombre entier soit somme de deux carrés d’entiers et précise de combien de façons il peut s’écrire sous cette forme.

Un entier n ≥ 3 est somme de deux carrés si, et seulement si, chacun de ses facteurs premiers de la forme 4k + 3 intervient à une puissance paire.

Si d1 et d3 sont les nombres respectifs de diviseurs de n congrus à 1 et à 3 modulo 4, le nombre de représentations de n comme somme de deux carrés est égal à la valeur absolue de 4 (d1 – d3).

Ce nombre de représentations tient compte des signes et de l’ordre des termes. Ainsi, l’écriture 13 = (±2)2 + (±3)2 compte pour quatre représentations distinctes.

 

 

John Pell (1611‒1685).

 

Des équations à la pelle

 

Un autre domaine important, dans la jungle des équations diophantiennes (dont les solutions doivent être entières ou rationnelles), est celui des équations de Pell‒Fermat. Ces dernières sont de la forme x2 – ny2 = m, où x, y, n et m sont des nombres entiers naturels, le cas le plus étudié étant le cas où m = 1.

Le nom de Pell (les Anglo-Saxons désignent ce type d’équation simplement sous l’appellation d’équations de Pell) renvoie au mathématicien britannique John Pell, bien que celui-ci n’ait pas travaillé sur ce type d’équation mais seulement traduit en anglais des textes traitant du sujet. En revanche, Fermat a bien travaillé sur ces objets. Il a notamment lancé un défi à Bernard Frénicle de Bessy en lui proposant de résoudre l’une de ces équations :

« Tout nombre non quarré est de telle nature qu’on peut trouver infinis quarrés par lesquels si vous multipliez le nombre donné et si vous ajoutez l’unité au produit, vienne un quarré.

Quel est, par exemple, le plus petit quarré qui, multipliant 61, en prenant l’unité, fasse un quarré ?

Item, quel est le plus petit quarré qui, multipliant 109 et prenant l’unité, fasse un quarré ? »

(Lettre de Fermat datée de février 1657.)

 

Dans son recueil Amusements in Mathematics (1917), le mathématicien britannique Henry Ernest Dudeney (1857‒1930) donne les exemples suivants :

312 – 60 × 42 = 1 et 632 – 62 × 82 = 1.

Il pose ensuite le problème suivant, qui fait intervenir le nombre 61 (que Fermat avait proposé à Frenicle). Dudeney se place dans le cadre de la bataille d’Hastings (14 octobre 1066) entre Guillaume le conquérant et Harold, roi des Saxons.

« Les soldats d’Harold se tenaient bien ensemble, comme à leur habitude, et formaient soixante-et-un carrés, avec un nombre égal d’hommes dans chaque carré. Lorsque Harold lui-même a rejoint la mêlée, ils ont alors pu former un grand carré. Qu’est-ce que le plus petit nombre possible d’hommes que ce carré pouvait compter ? »

On retrouve donc l’équation x2 – ny2 = 1 avec n = 61, proposée par Fermat, et Dudeney donne comme réponse :

1 766 319 0492 – 61 × 51 145 622 669 840 4002 = 1,

qui correspond à un invraisemblable nombre total de soldats (sans Harold) :

13 119 882 982 860 264 400 hommes !

 

On connaît deux méthodes de résolution des équations de Pell‒Fermat dans le cas particulier où m = 1. La première est la méthodechakravala, dont l’origine remonte aux mathématiciens indiens Aryabhata (VIe siècle de notre ère) et Brahmagupta (VIIe siècle). Cette technique est basée sur l’algorithme d’Euclide.

La seconde méthode de résolution de ces équations est basée sur les fractions continues.

Le cas général où m est un entier quelconque nécessitera de nouvelles avancées au cours du XIXesiècle dans le cadre d’une arithmétique modulaire.