« Splendeur, félicité suprême […]. Girolamo a connu cela bien des fois, quand les mots giclent de nulle part et de partout. » C’est de cette splendeur-là qu’il est question dans ce récit de la vie de Girolamo Cardano (1501–1576), médecin, mathématicien et inventeur, dont Régine Detambel a choisi le propre démon du savant pour dérouler la biographie.
L’ouvrage, qui semble une fiction, mais ne trahit pas la vérité historique, fait la part belle à toutes les incroyables facettes de la vie du personnage : imaginatif et génial de fulgurances mathématiques, mais aussi joueur invétéré, astrologue un peu trouble. On plonge complètement dans ce monde du XVIe siècle, violent sur bien des points, crus sur la vie intime, dont les détails ne manquent pas. De son enfance où, « juché sur les épaules de Ptolémée », il découvre l’astronomie avec son père, jusqu’à sa mort, à la date qu’il avait prédite, à « soixante-douze ans, deux mois et douze jours », on suit les péripéties de Cardano dans son existence semée d’embûches mais aussi de passions et de gloire. Le récit du démon peut parfois paraître loufoque ou invraisemblable, mais il fait vivre intensément les lieux et les personnages. La ville de Padoue ? « Un petit trou d’université vieille de 200 ans à peine. » L’assistant Ludovico Ferrari ? « Un petit domestique de 15 ans […] jonglant avec les seize décimales de pi », qui « se glisse à l’aveuglette dans les pires problèmes d’algèbre et en sort au petit matin, triomphant, après avoir consommé seulement deux chandelles. » Voilà des détails qui, dans une époque hors du commun, nous font aimer tous ces personnages, eux aussi hors du commun.
