Des âges qui posent problèmes

Michel Criton




Durant l’Antiquité, les textes mathématiques s’écrivaient en toutes lettres, en prose ou parfois en vers. C’est l’occasion de parler d’âge sans en avoir l’air…

L’Anthologie grecque est un recueil compilé par Méléagre de Gadara au Ier siècle avant notre ère. Il a été enrichi au fil du temps par un grand nombre d’auteurs. L’expression Anthologie palatine que l’on trouve parfois fait référence au recueil qui nous est parvenu par le manuscrit Codex Palatinus 23, conservé à la Bibliothèque palatine de Heidelberg, en Allemagne.

Le livre XIV de l’Anthologie grecque réunit cent cinquante épigrammes (petites pièces de poésie) qui sont des énigmes ou des problèmes arithmétiques. Ces textes sont majoritairement anonymes, mais une grande partie d’entre eux est attribuée au grammairien et mathématicien Métrodore. On sait très peu de choses de cet auteur ; on suppose qu’il aurait vécu au Ve ou VIe siècle de notre ère.

La plus connue de ces énigmes est celle concernant la vie de Diophante. La version suivante, que l’on trouve dans les Récréations arithmétiques d’Émile Fourrey (1899), est présentée en alexandrins.

 

 

 

Passant, sous ce tombeau repose Diophante.

Ces quelques vers tracés par une main savante

Vont te faire connaître à quel âge il est mort.

Des jours assez nombreux que lui compta le sort,

Le sixième marqua le temps de son enfance ;

Le douzième fut pris par son adolescence.

Des sept parts de sa vie, une encore s’écoula,

Puis s’étant marié, sa femme lui donna

Cinq ans après un fils qui, du destin sévère

Reçut de jours hélas ! deux fois moins que son père.

De quatre ans, dans les pleurs, celui-ci survécut.

Dis, si tu sais compter, à quel âge il mourut.

 

Le problème se résout par une simple équation du premier degré à une inconnue. En désignant par x la durée de vie de Diophante, exprimée en années, on obtient l’équation x / 6 + x / 12 + x / 7 + 5 + x / 2 + 4 = x, qui a pour solution x = 84, âge de Diophante lors de sa mort, selon Métrodore.

 

 

Extrait d’une loi sur les héritages, en dialecte dorien (Gortyne, Crête, vers –450). L’un des intérêts de ce document est sa rédaction en boustrophédon.

 

Des questions d’héritage…

 

Voici un autre problème attribué à Métrodore. En ce temps-là, le talent était une unité pondérale et monétaire utilisée dans la Grèce antique ; 1 talent = 60 mines.

 

Prends, mon fils, le cinquième de mon héritage, et toi, mon épouse, reçois-en le douzième ; que les quatre enfants de mon fils défunt, que mes deux frères, que ma mère éplorée en recueillent chacun le onzième. Vous, mes neveux, recevez douze talents ; qu’Eubule, mon ami, en prenne cinq. À mes fidèles serviteurs, pour récompense de leurs bons services, je donne la liberté et une gratification ; qu’ils reçoivent donc :
Onésime, vingt-cinq mines ; Dave, vingt mines
 ; Syrus, cinquante ; Synété, dix ; Tibius, huit. Je laisse sept mines à Synétus, fils de Syrus. Qu’avec trente talents on m’élève un tombeau, et qu’il soit offert un sacrifice au Jupiter des morts. Deux talents serviront aux frais du bûcher, des mets funèbres et des bandelettes. Que mon corps jouisse des vaines faveurs de deux autres talents.

Quelle part recevra chacun des ayants droit de cet héritage ?

 

 

SOLUTION