Preda Mihailescu, le « tombeur de Catalan »
Le nom du mathématicien roumain Preda Mihailescu apparaît dans les colonnes des magazines scientifiques en 2002, associé à celui du mathématicien belge du XIXe siècle Eugène Catalan. Mihailescu vient en effet de démontrer une conjecture vieille de plus de cent cinquante ans. C'est en 1844 qu'Eugène Catalan publie la conjecture suivante dans le Journal de Crelle (ou Journal für die reine und angewandte Mathematik) : « Le théorème suivant, que je crois vrai, bien que je n'aie pas encore réussi à la démontrer complètement : deux nombres entiers consécutifs, autres que 8 et 9, ne peuvent pas être des puissances exactes ; autrement dit, l'équation xm – yn = 1, dans laquelle les inconnues sont entières et positives, n'admet qu'une seule solution (9 – 8 = 1). »
Mihailescu en publiera la preuve dans le même Journal de Crelle, cent cinquante-huit ans plus tard. Sa démonstration, longue et technique, fait appel à des calculs sur ordinateur et s'appuie sur des travaux antérieurs de Ko Chao (1964), de Robert Tijdeman (1976), de Yann Bugeaud et Guillaume Hanrot (1998), et de Maurice Mignotte (2001).
Par contre, le cas de l'équation xm – yn = 2 est loin d'être réglé. On conjecture que la seule solution de cette équation est 33 – 52 = 2. Mais cette équation d'apparence voisine de celle proposée par Catalan est en fait très différente et bien plus redoutable (elle ne permet pas de faire intervenir la cyclotomie, qui consiste à ajouter des racines de l'unité à une structure de corps).
La « modestie » d'André Weil
Au début des années 1980, le sévère et sarcastique André Weil avait accordé à Philippe Boulanger une interview à son domicile. L'intéressé se présenta donc rue Auguste-Comte (philosophe que Weil détestait car il y avait, sur la plaque de sa rue : « philosophe et mathématicien » ; Weil lui contestait les deux qualités). Perché sur le tabouret de piano, le journaliste posait ses questions, en face du mathématicien, confortablement assis dans son grand fauteuil. Une question portait sur les prix. Le père des célèbres conjectures de Weil, alors récemment démontrées, entra dans une longue diatribe affirmant que les prix étaient un encouragement aux esprits superficiels et ne récompensaient pas les travaux de fond, et donc étaient une honte pour les récipiendaires.
Les propos furent fidèlement rapportés et l'article envoyé à Weil pour vérification. Voulant régler certains points, il reconvoqua l'auteur, toujours rue Auguste-Comte. Ce dernier, en avance, acheta un journal dans lequel il lut que Weil avait reçu, et accepté, le prix Wolf, richement doté ! À l'heure précise, notre collaborateur entre dans le salon et relit malicieusement à Weil le paragraphe de son article sur les prix pour savoir s'il était d'accord avec sa teneur. Il affirma sèchement que, contrairement aux journalistes, il ne changeait pas d'avis tous les jours… En sortant sur le pas de la porte, l'auteur mentionne qu'il ne l'a pas félicité pour le prix Wolf. Comprenant l'ironie, Weil lui ordonne de revenir sur son tabouret et lui explique longuement que seuls les esprits simples peuvent voir là un paradoxe alors que cela n'est qu'un reflet de sa modestie. « Si je pensais qu'en refusant ce prix, tous les prix seraient supprimés, je l'aurais refusé. Mais comme je crois que ma modeste personne n'a pas ce pouvoir, j'ai décidé de l'accepter, en désespoir de cause. » Verbatim !
La machine à conjectures
"Tout nombre pair est la somme de deux nombres premiers". La conjecture de Goldbach est illustrée par une installation du Mathematikum à Giessen (Allemagne) à l'aide… d'une chaîne de vélo ! Les entiers de 3 à 150 sont représentés le long d'une chaîne circulaire, les nombres premiers, en rouge, se distinguant des autres. La chaîne est fixée de telle façon que les entiers qui se font face, comme sur une table de banquet, ont toujours la même somme (un nombre pair). Le nombre placé à l'extrémité de la chaîne vaut la moitié de cette somme. La vérification de la fameuse conjecture (sur de petits nombres) se fait donc par l'identification, pour chaque position de la chaine, d'au moins une paire de deux entiers rouges.
Sur l'illustration, le nombre 40 est placé à l'extrémité. On visualise donc des paires de nombres dont la somme vaut 80. Une paire sur l'image est entièrement rouge (constituée de nombres premiers) : 37 et 43.