Les règles de l'infini


F. Aoustin, C. Aubouy et B. Hauchecorne

On ne joue pas avec les ensembles sans devoir se soumettre à certaines règles...

Les diagrammes de Venn et les nombres premiers

 La recherche des diagrammes de Venn symétriques (invariants par rotation) composés d'ellipses a donné lieu à de belles recherches. Les mathématiciens butaient déjà sur le cas de quatre ellipses quand David Henderson démontra en 1963 que de tels diagrammes n'existaient pas pour n non premier ! Ceci est lié au fait que, par rotation, une région correspondant à l'intersection de k ensembles est l'image de n autres telles régions. Par ailleurs, il y a régions représentant l'intersection de k ensembles donc n doit toujours diviser .

Par exemple, dans le cas n = 4, il doit y avoir six régions, qui représentent l'intersection de deux ensembles, mais 4 ne divise pas 6…

 

Ce n'est qu'en 1975 que le mathématicien yougoslave Branko Grünbaum donne un exemple de diagramme de Venn symétrique à cinq ellipses. En 2002, Peter Hamburger donne un exemple de diagramme de Venn symétrique à onze ellipses ; un an plus tard, Jerrold Griggs, Charles Killian et Carla Savage montrent finalement que le dessin est effectivement réalisable pour tout entier n premier.

 

 

Des axiomes, mais aussi des règles de logique !

La théorie des ensembles est une théorie axiomatique, c'est-à-dire que l'on pose au départ des affirmations que l'on va tenir pour vraies et à partir desquelles on va déduire des théorèmes. Aux axiomes spécifiques à la théorie des ensembles s'ajoutent les axiomes et les règles de déduction de la logique classique. Parmi ces règles, l'assertion suivante semble tomber sous le sens mais doit être énoncée clairement : ce qui est vrai d'un élément quelconque d'un ensemble est vrai de tous les éléments de l'ensemble.

 

Le modus ponens et le modus tollens sont deux autres règles primitives du raisonnement. Le modus ponens, ou détachement, affirme que de p (d'une part) et de p implique q (d'autre part) on peut déduire q. Prenons l'exemple où p est « il pleut » et p implique q est « s'il pleut alors je sors mon parapluie ». En appliquant le modus ponens à un jour où il pleut, on peut en déduire que j'ai mon parapluie. Le modus tollens, quant à lui, est une règle d'inférence qui stipule que si une proposition est valide, alors sa contraposée l'est également. Par exemple, si la proposition est « s'il pleut alors je sors mon parapluie », si jamais je n'ai pas mon parapluie, le modus tollens permet d'en déduire qu'il ne pleut pas.

 

Ainsi, c'est en combinant les axiomes entre eux par l'entremise des règles de déduction que l'on construit des théorèmes. Ces derniers se retrouvent n'être que des conséquences syntaxiques des axiomes de départ !

 

Cantor : deux démonstrations pour un théorème 

Georg Cantor s'est intéressé aux ensembles infinis dès le début des années 1870. L'une de ses interrogations était de savoir s'il existait des infinis de différents cardinaux. En particulier, peut-on trouver une bijection entre l'ensemble des nombres naturels et celui des nombres réels, dont il venait de donner une construction ? Cantor apporte dès 1874 une réponse négative à la question. Sa démonstration, assez lourde, utilise un argument de segments emboîtés puis le fait que toute suite croissante majorée possède une limite.

 

Dix-huit ans plus tard, il se penche à nouveau sur ce sujet, alors qu'il est en train de bâtir sa théorie sur les cardinaux infinis. Il fournit alors une nouvelle démonstration, beaucoup plus simple, dont une extension facile permet en outre de montrer que le cardinal de l'ensemble des parties d'un ensemble possède un cardinal strictement plus grand que l'ensemble lui-même. Ce résultat est connu sous le nom de théorème de Cantor. La seconde démonstration qu'il propose, légèrement aménagée, a été popularisée sous le nom de diagonale de Cantor.