Le groupe de Rubik


Elisabeth Busser et Daniel Lignon

Le Rubik's Cube est un casse-tête très célèbre, chez les petits comme chez les grands. Cet objet a, lui aussi, son groupe : c'est l'ensemble des isométries qui le laissent invariant.

 

Le groupe de Rubik

Qui n’a pas un jour tenté sa chance avec cet objet « magique », essayant tant bien que mal de reconstituer sa position initiale ? Tâche ardue, tant il y a de positions possibles pour ces maudits petits cubes. Pensez ! Les huit de coins ayant chacun trois orientations possibles, celle du dernier cube étant imposée par les sept autres, on a 37 possibilités, et ces cubes pouvant être permutés de 8! façons, on a finalement 37 × 8! placements des coins. Les douze cubes d’arête, permutables de 12! façons, ayant chacun deux orientations possibles, donneraient 212 × 12! possibilités. Cependant, on ne peut pas échanger deux coins ou deux arêtes seulement, donc les deux derniers coins et les deux dernières arêtes ont un seul placement possible, ce qui divise le résultat par 2 × 2. Le Rubik’s Cube présente donc au total 37 × 8! × 210 × 12! dispositions, soit environ 4,325 × 1019.

Ces dispositions sont atteignables grâce aux six rotations des faces de 90° dans le sens horaire par exemple (A pour la face avant, P la face postérieure, B la face de base, H celle du haut, D celle de droite et G celle de gauche). Ce sont elles qui vont engendrer un groupe. Les transformations A, B, D, G, H, P, avec la loi de composition A * B = « faire A puis B », ont en effet tout ce qu’il faut pour engendrer le « groupe de Rubik ».

 

 

 

Les records

 

En utilisant une méthode relativement élémentaire et avec suffisamment d’entraînement, on peut arriver à reconstituer la configuration d’origine du Rubik’s Cube en moins d’une minute. Pour faire mieux, c’est un peu plus compliqué…

Des compétitions sont organisées régulièrement. Les meilleurs sont capables de rétablir un cube en moins de dix secondes. Le record officiel, datant du 24 novembre 2018, est de 3,47 secondes : il est détenu par un jeune Chinois, Yusheng Du. Il a pulvérisé le précédent record (4,59 s) détenu par un Australien, Feliks Zemdegs, pourtant habitué de ces records.

En fait, ce record est moins bon que celui détenu, depuis le 7 mars 2018, par un robot : il a mis 0,38 seconde ! Le robot et l’interface ont été mis au point par deux étudiants du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis. Le logiciel utilisé a été développé par un enseignant allemand, Herbert Kociemba.

 

 

Le nombre de Dieu

 

Les « cubeurs » appellent mouvement élémentaire une rotation d’un quart de tour (dans un sens ou dans l’autre) ou d’un demi-tour d’une face du cube. Il existe donc dix-huit mouvements élémentaires possibles. La question se pose de savoir quel est le nombre maximal de mouvements élémentaires nécessaires pour reconstituer le cube à partir d’une position quelconque. C’est cet entier NRC qui est nommé nombre de Dieu du Rubik’s Cube.

En juillet 2010, par un calcul exhaustif, un informaticien américain, Tomas Rokicki, montre (avec d’autres scientifiques, en particulier Herbert Kociemba) que NRC = 20. Ce résultat a nécessité quelques semaines de calcul distribué sur des ordinateurs de Google LLC. Il a aussi montré que le nombre moyen de mouvements nécessaires pour reconstituer le cube est égal à 17,7.

Pour les puristes qui considéreraient qu’une rotation d’un demi-tour n’est pas un « mouvement élémentaire » car elle peut être obtenue par la succession de deux rotations d’un quart de tour, on peut les rassurer : si on n’accepte que les rotations d’un quart de tour, le nombre de Dieu est alors 26. Pour le distinguer du précédent, on l’appelle le nombre de Dieu dans la métrique du quart de tour. Il a été déterminé en 2014.

 

 

Un robot réalisé par des passionnés pour manipuler le Cube de Rubik, présenté en 2016 à Paris au Salon de la culture et des jeux mathématiques.