La plasticité des chiffres, des lettres, des mots et des nombres est étonnante : il semble que ces symboles puissent être triturés, assemblés, présentés de façon toujours nouvelle et surprenante. Regardez cette suite (appelons-là suite du centre impair) :
331, 233, 10 177, 224, 10 314, 10 323, 210, 203, 110, 10 717, 84 700, 420, 121, 340, 311, 206, 236, 10 182, 10 454…
Elle est composée de nombres ayant, à dessein, une quantité impaire de chiffres. On peut ainsi en souligner facilement le centre (le chiffre du milieu) :
331, 233, 10 177, 224, 10 314, 10 323, 210, 203, 110, 10 717, 84 700, 420, 121, 340, 311, 206, 236, 10 182, 10 454…
Si vous regardez attentivement, la succession des centres ainsi soulignés reproduit exactement la suite elle-même, chiffre après chiffre !
Le plus étonnant cependant n’est pas là, mais bien dans la « traduction » française de cette suite. En effet, cette dernière présente la même propriété que son homologue numérique, mais du point de vue des lettres placées au centre de chaque nombre !
Écrivons la suite en toutes lettres, et soulignons celle qui se trouve précisément au centre de chaque terme :
trois cent trente et un, deux cent trente-trois, dix-mille cent soixante dix-sept, deux cent vingt-quatre, dix mille trois cent quatorze, dix mille trois cent vingt-trois, deux cent dix, deux cent trois, cent dix, dix mille sept cent dix-sept, quatre-vingt-quatre mille sept cents, quatre cent vingt, cent vingt et un, trois cent quarante, trois cent onze, deux cent six, deux cent trente-six, dix mille cent quatre-vingt-deux, dix mille quatre cent cinquante-quatre…
La succession des lettres centrales ainsi soulignées réécrit la suite elle-même, lettre après lettre : T-R-O-I-S-C-E-N-T-T-R-E-N-T-E-E-T-U-N…
Cette jolie et étonnante suite « doublement autoréférente » a été calculée par Jean-Marc Falcoz en 2018, puis vérifiée à l’aide du convertisseur de Nicolas Graner (les nombres écrits en chiffres sont convertis en nombres écrits en toutes lettres).
À vous de jouer !
Peut-on imaginer d’autres suites sur ce principe de soulignement ? En réécrire une où l’on soulignerait le premier chiffre de chaque nombre (et la première lettre de chaque nom) ? Cette suite ne pourra comporter aucun zéro… voyez-vous pourquoi ?
On pourrait aussi redéfinir la notion de « centre » d’un nombre afin d’inclure les entiers qui s’écrivent avec une quantité paire de chiffres : une telle redéfinition ferait de 10 le « centre » de 10 (pourquoi pas ?) et de 23 le « centre » de 1 234. Pour les nombres qui s’écrivent avec une quantité paire de lettres, ce serait la paire centrale qui serait utilisée (« un » serait le centre de « un » et « to » celui de « quatorze »). Tous les nombres entiers seraient ainsi susceptibles d’appartenir à une telle suite « centrale ».
Voici un exemple de départ d’une telle suite – sans garantie qu’elle soit lexicographiquement la première : 1, 36, 414 102, 10 421, 212, 103, 210, 116…
Les centres soulignés reproduisent bien le début de la suite :
1, 36, 414 102, 10 421, 212, 103, 420, 116…
On observe le même phénomène après « traduction en français » :
un, trente-six, quatre cent quatorze mille cent deux, dix mille quatre cent vingt et un, deux cent douze, cent trois, quatre cent vingt, cent seize…
Voici de quoi cogiter intelligemment sur les plages !
SOURCES
Le convertisseur de Graner : graner.net/nicolas/nombres/nom.php L'Encyclopédie en ligne des suites de nombres entiers : https://oeis.org (en particulier les suites A319718 et A319921).