Aux origines de l’analyse complexe


Antoine Houlou-Garcia

On cite souvent Cauchy comme ayant fondé à lui seul l’analyse complexe. La réalité est plus subtile : certes, Cauchy lui a donné sa structuration et sa rigueur, mais il s’est appuyé sur de nombreux travaux précurseurs, remontant notamment à d’Alembert. De plus, son intervention a été suscitée par des débats entre Laplace et Poisson sur la légitimité de l’utilisation des complexes pour le calcul intégral. C’est donc tout un contexte intellectuel qu’il faut reconstituer pour comprendre le travail de Cauchy.

Les travaux de Cauchy qui fondent l’analyse complexe datent grosso modo de la période 1814-1831. En 1814, il présente son Mémoire sur les intégrales définies (qui fait près de 200 pages !), sujet qui l’anime jusqu’à ses deux Mémoires de Turin présentés en 1831. 

Bien qu’il ait utilisé ces résultats dans des travaux ultérieurs, il n’apporte pas d’autres contributions substantielles à cette théorie avant 1849. Les premiers travaux de Cauchy sont particulièrement intéressants car ils s’insèrent dans une lignée de calculs et de questionnements sur la légitimité de ces calculs.

 

L’équation de Cauchy-Riemann avant l’heure

Dans un mémoire de 1740 sur l’intégration, Alexis Clairaut avait démontré que, P et Q étant des polynômes, la forme différentielle * P(x, y) dx + Q(x, y) dest exacte si la dérivée de P selon la variable x est égale à la dérivée de Q selon la variable y (un résultat obtenu au même moment par Euler sans que Clairaut n’en ait eu connaissance). 

(* Entre autres choses, une forme différentielle peut être un moyen d’associer un nombre à une courbe, à l’aide d’un procédé relevant de l’intégration. Une forme différentielle est dite exacte (on disait « complète » à l’époque de Clairaut) si, en un sens précis, le nombre associé à une courbe ne ... Lire la suite


références


Cauchy and the Creation of Complex Function Theory. Frank Smithies, 
 Cambridge University Press, 1997.

La résolution des équations aux dérivées partielles dans les Opuscules mathématiques 
de D’Alembert (1761-1783). Alexandre Guilbaud et Guillaume Jouve, Revue d’histoire des mathématiques, tome 15, fascicule 1, 2009.